Assurance dépendance : pourquoi les Français s'assurent peu contre le risque de dépendance ?

En dépit d'une inquiétude croissance de la population française face à la dépendance, les formules assurantielles de protection individuelle progressent faiblement. A partir de ce constat, l'institut de recherche et de documentation en économie de la santé (l'Irdes) a mené une enquête pour identifier les freins possibles à l'assurance dépendance.

Les chiffres de la dépendance

Aujourd'hui 1,2 millions de personnes bénéficient de l'APA, l'allocation personnalisée d'autonomie, attribuée par les conseils généraux aux personnes dépendantes hébergées à domicile. D'ici 2030, ce chiffre devrait progresser de 35% et de 100% à l'horizon 2060. Selon l'Insee, le nombre de Français âgés de plus de 60 ans devrait augmenter de plus de 10 millions entre 2007 et 2060, ce qui ferait une personnes sur trois de plus de 60 ans à cette date. Quelles que soient les variantes démographiques, aucune ne remet en cause la très forte augmentation des plus de 60 ans dans la population d'ici 2060. On sait que 12% des personnes de plus de 70 ans sont atteintes de maladies neuro-dégénératives (Parkinson, Alzheimer et maladies apparentées) ; 225 000 nouveaux cas sont découverts chaque années. Ces maladies sont à l'origine de 70% des placements en institutions spécialisées, et de plus de 70% des demandes d'APA. Une personne dépendante a besoin d'un minimum de 1 800€ par mois pour rester à son domicile, somme qui peut être largement doublée pour un hébergement en maison médicalisée. Le financement de la dépendance est d'autant plus crucial qu'il stigmatise l'échec des pouvoirs publics à mettre en place un plan pérenne qui protège suffisamment les personnes les plus fragiles.

La dépendance, le serpent de mer des politiques publiques

Les politiques publiques destinées à financer le risque de dépendance sont aujourd'hui quasiment à l'arrêt. La crise économique de 2008 a eu raison de la promesse "sarkozienne" de doter la France d'un système public de protection pour les personnes en situation de perte d'autonomie. Le gouvernement actuel reprend la promesse à son compte et assure mettre au point un projet de loi sur l'adaptation de la société au vieillissement d'ici la fin de l'année. Cette loi doit comporter trois volets : adaptation, prévention et financement. Le gouvernement a retenu le financement public de la dépendance par le biais notamment d'une taxe pour la dépendance sur les retraités payant l'impôt sur le revenu (0,3%).

En attendant la concrétisation de cette loi, les assureurs ont affuté leurs contrats d'assurance dépendance et créé un label GAD (garantie assurance dépendance) qui facilitera la promotion de leurs contrats en échange du respect de garanties minimales.

L'assurance dépendance et les freins à son développement

En 2010, 5,5 millions de personnes étaient couvertes par un contrat individuel contre la dépendance, dont 3,6 millions par les mutuelles et 1,6 million par les sociétés d'assurance, le reste étant couvert par les institutions de prévoyance. Si le nombre de personnes assurées auprès des sociétés d'assurance progressent légèrement chaque année, l'assurance dépendance est un produit qui peine à se développer.

L'Irdes identifie plusieurs freins à un réel développement de l'assurance dépendance individuelle. Le premier d'entre eux est la faible attractivité des contrats, à savoir la couverture proposée. Si l'offre évolue vers une normalisation des garanties minimales accordées (label GAD), l'indemnisation forfaitaire ne couvre que partiellement les dépenses réellement engagées. Le coût des assurances est le second motif. Mais c'est principalement la rationalité limitée des personnes à vouloir se prémunir contre la dépendance qui bloque le marché : en cause, la méconnaissance des couvertures disponibles et du risque auquel elles sont exposées. Surgit ici le rôle déterminant de l'information : les Français dans leur ensemble surestiment la prise en charge publique ou considèrent qu'ils sont couverts par leur complémentaire santé ou leur assurance prévoyance. L'Irdes identifie également une propension des individus à faire confiance à leurs proches en cas de perte d'autonomie et s'interroge sur l'intérêt de mettre en place une assurance obligatoire. Piste pour l'heure écartée par les pouvoirs publics.



Francesco Romanello

Par , le lundi 29 juillet 2013

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